Objet : Mesures économiques applicables aux industries touristiques

Monsieur le Président Confédéral,


Permettez-nous d’attirer votre attention sur les dernières mesures publiées au JO du 29 mai 2021 concernant

les taux d’indemnisation du chômage partiel des entreprises du secteur des industries touristiques.

Les décrets n° 2021–671 et n° 2021–674 du 28 mai 2021 publiés au JO du 29 mai 2021, apportent des

précisions sur les taux actuels d’indemnisation du chômage partiel des entreprises pour les mois à venir à

compter du 1er juin 2021, avec évolution régressive du taux de remboursement employeur à compter de juillet

2021 et à compter de septembre 2021 pour le salarié. Pourquoi cette différentiation employeur-salarié ?

Comment est-elle justifiable au plan économique ? Qui paye les salariés sinon les entreprises ?

Le taux d’indemnisation des entreprises est le suivant :

Maintien à 70 % de la rémunération horaire brute, limité à 4,5 SMIC, jusqu’au 30 juin 2021,

Il est prévu que cette indemnisation diminue ensuite considérablement à compter du 1er juillet 2021 ;

o 52 % de cette même rémunération à compter du 1er août 2021 ;

o 36 % à compter du 1er septembre 2021 (droit commun)

La dégressivité des indemnisations des Entreprises sera probablement insupportable pour les industries

touristiques des outre-mer dans la mesure où la politique gouvernementale a anéanti la haute saison

touristique pour la deuxième année consécutive, ce qui n’est pas le cas pour la métropole.

On peut regretter, que cette dégressivité accélérée, conduise prochainement à de nombreux licenciements

économiques.

Il est également prévu des dispositions spécifiques pour les entreprises les plus en difficulté, entreprises les

plus touchées des secteurs exposés, entreprises fermées, zone de chalandise de station de ski, restrictions

sanitaires territoriales, qui pourront continuer d’avoir un zéro reste à charge jusqu’au 31 octobre 2021.

La date du 31 octobre 2021 n’est absolument pas compatible avec la réalité de la saison touristique des Outremer

(hors Polynésie), et il convient de rappeler que la période cyclonique s’étale dans les Antilles des mois

de septembre au mois de novembre.


La différenciation des seuils envisagés (60 % en Outre-mer contre 80 % dans l’Hexagone) est cependant bien

insuffisante pour prendre en compte les handicaps structurels des industries touristiques des outre-mer.

Par ailleurs, si les décrets affichent une distinction territoriale, en particulier pour la montagne, aucune

considération spécifique ne traite des Outre-mer, comme nous y sommes régulièrement confrontés.

Rappelons que les Outre-mer fonctionnent en contre-saison, avec une situation plus défavorable encore que

la montagne qui pourra accueillir cet été des vacanciers arrivant par le train ou par un moyen de transport

personnel.

Les Outre-mer ont perdu leurs hautes saison 2020 et 2021. L’été était pour elles jusqu’en 2019 une basse

saison teintée d’une demie saison du 15 juillet au 15 d’août. Ce ne sera plus le cas en 2021. La demie saison

n’existera pas en juillet et août 2021 compte tenu de la très faible demande que révèle l’étude Kantar dans

laquelle 80 % des personnes interrogées (près de 26.000) déclarent envisager des vacances de proximité, avec

utilisation de leur moyen de transport personnel, pour aller dans des hébergements de distanciation sanitaire

(meublés de tourisme).

Les conditions strictes liées à la crise sanitaire évolutive n’incitent pas à utiliser actuellement les transports

aériens. Air Austral et Tahiti nui ne seraient-elles pas dans des conditions économiques très difficiles, elles

aussi tout comme d’autres compagnies dans les Antilles ?

Faut-il rappeler que les motifs impérieux en vigueur dans les Antilles et non dans l’hexagone ou la Corse,

malgré des conditions sanitaires plus favorables dans les Antilles, ne seront levés que le 9 juin 2021, ce qui

est un frein générateur d’inquiétude sanitaire, quasi dissuasif pour venir y séjourner, et une date beaucoup

trop tardive, située après la « fenêtre de réservation » pour les vacances d’été ?

Si l’on ajoute à cette situation regrettable l’auto-confinement obligatoire de 7 jours pour les non-vaccinés

n’ayant pas encore reçu deux doses, soit plus des 3/4 de la population Française, les motifs dissuasifs à venir

dans les Antilles sont considérables et très fortement préjudiciables à son économie, et au redémarrage de

cette dernière.

Pour toutes ces raisons, il est raisonnable de considérer que les Outre-mer doivent bénéficier jusqu’à fin 2021,

a minima, de conditions plus favorables que la montagne facilement et économiquement accessible en

voiture.

Nous demandons pour les Outre-mer le maintien des conditions de l’indemnisation des

entreprises au titre du chômage partiel, au taux actuel de mai 2021, jusqu’à fin 2021, a

minima, dans l’espoir d’une reprise significative d’activité économique et touristique de nos

territoires pour la haute saison 2021 - 2022.

Il est malheureusement évident que la rapidité de reprise des activités touristiques sera beaucoup plus lente

en Outre-mer que dans l’hexagone ainsi que le démontre la suite de la crise sanitaire du chikungunya en 2005

à l’île de la Réunion (https://www.tourmag.com/Coronavirus-Reunion-Les-degats-sur-le-secteur-du-tourismesont-

colossaux--estime-Susan-Soba-IRT_a108694.html)

Encore que cette crise n’affectait pas les marchés émetteurs, mais seulement le territoire récepteur, ce qui

n’est pas le cas aujourd’hui où la crise est générale et affecte les territoires récepteurs et les clientèles.

Ajoutons que la situation des compagnies aériennes particulièrement fragilisées devrait retenir une attention

toute particulière…

« Fin 2008, la Réunion comptait 56 établissements hôteliers avec une capacité d’accueil totale assez stable

par rapport à 2007 : 2 251 chambres classées en 2008 contre 2 259 en 2007 (-0,4 %). Cette stabilité survient

après une année 2007 qui a vu le nombre de chambres se réduire significativement de 24,5 % après la

fermeture et la transformation de plusieurs hôtels pendant la crise sanitaire liée au chikungunya qui a affecté

le secteur touristique en 2006. »

Source : https://www.iedom.fr/IMG/pdf/ra2008_reunion.pdf

Page 141 du rapport de l’IEDOM

Perdre 350 000 nuitées en une année (exemple de la Réunion) et n’en regagner que 47 000 en 3 ans : Voilà la

réalité à laquelle nous devons nous préparer dans les Outre-mer :

Évolution du nombre de nuitées à la Réunion :

2005 : 1 112 116 nuitées ;

2006 : 760 765 nuitées ;

2007 : 798 948 nuitées ;

2008 : 807 718 nuitées.

Source : https://www.iedom.fr/IMG/pdf/ra2008_reunion.pdf

Page 143 du rapport de l’IEDOM

Un rapport du Sénat daté de 2015, constate 10 ans plus tard (par rapport à la crise sanitaire de 2005), que la

situation n’a pas évolué à la Réunion, en raison, selon le rapport du sénat, « d’une nouvelle concurrence ou

du vieillissement des installations » ; « le nombre de touristes de séjour stagne depuis les années 2000. Cette

situation s’explique par des facteurs structurels tels que l’émergence d’une nouvelle concurrence

internationale ou le vieillissement des installations, mais aussi par des facteurs conjoncturels tels que la crise

du chikungunya à La Réunion, les cyclones, les conflits sociaux ou la dégradation de la conjoncture en

métropole. »

Rapport du Sénat en 2015

Source : https://www.senat.fr/rap/r15-001/r15-0011.pdf

Rappelons que nos entreprises ont des obligations fiscales et comptables, et qu’elles déposent chaque année

leurs comptes, dont leur bilan annuel. Ceux-ci sont lisibles en toute transparence pour l’administration fiscale

dont nous ne doutons pas qu’elle sache lire un compte d’exploitation.

De sorte que l’administration des finances publiques pourra aisément constater que les régimes

d’indemnisation partielle proposés par le gouvernement sont largement insuffisants pour couvrir les pertes

d’exploitation d’une partie importante des entreprises du secteur des industries touristiques. La question se

pose donc de savoir si le gouvernement accepte, ou pas, de couvrir la totalité des pertes d’exploitation apparue

dans les comptes de résultat de ces entreprises, sur la base des attestations émanant des experts-comptables ?

Actuellement, outre le reste à charge employeur de 30 % du salaire brut, ce dernier supporte :

o Les charges patronales, mêmes réduites,

o Les congés payés, qui se cumulent pour des salariés en activité (très) partielle

o De multiples taxes et impôts inappropriés à la situation sanitaire comme par exemple la CAP

(Contribution à l’Audiovisuel Public) qui conduit à payer une redevance pour chaque téléviseur possédé, pour

des chambres fermées ou sans clients, alors que les meublés de tourisme ne payent qu’une CAP minime

correspondant à la détention d’un seul téléviseur, et ce n’est là qu’un exemple. Faut-il ajouter encore

le poids des taxes foncières pour des établissements vidés de leurs clients, avec des chiffres d’affaires

(CA) très réduits ou nuls ? Il n’est pas nécessaire de s’interroger si les charges fixes des hôtels sont

supérieures ou pas à 20 % de leur CA pour bénéficier des conditions économiques mise en place pour

compenser partiellement les effets désastreux de la crise sanitaire : l’examen des comptes

d’exploitation devrait suffire !

En juin, juillet et août, le fonds de solidarité devrait être adapté (en attente d'un futur décret) pour

accompagner les entreprises pendant les étapes de réouverture, tant que les contraintes sanitaires (jauge,

protocole ou couvre-feu) ne seront pas totalement levées.

Signalons encore que les Outre-mer, de par leurs conditions climatiques (chaleur et humidité), ont des charges

d’entretien importantes et très supérieures à celles existantes dans l’hexagone.

Ne pas vouloir indemniser les pertes des entreprises des Outre-mer, et réduire beaucoup trop rapidement les

seuils d’indemnisation des entreprises pour les Outre-mer à compter du 1er Juillet 2021 n’est absolument pas

raisonnable, et met en péril l’emploi dans des territoires déjà très affectés par un taux de chômage proche de

30%.

Outre la question des seuils de baisse du C.A., déconnectés du seul indicateur économique global (compte de

résultat et bilan), se pose la question de la juste appréciation des efforts économiques consentis par certaines

entreprises ?

En effet, un établissement hôtelier a le choix de rester ouvert ou fermé. Celui qui est fermé perd 100 % de

son C.A. de référence, et les mesures compensatoires lui sont accessibles sans réserve de pourcentage de C.A.

perdu. En revanche l’établissement qui ose affronter l’adversité et répondre au défi économique, d’offrir des

services à une clientèle potentielle, doit-il être l’objet de représailles, car c’est bien de cela dont il s’agit.

Serait-il possible de s’interroger sur un régime d’indemnisation qui ne porte pas préjudice aux entreprises qui

ont choisi de limiter la perte sociale, économique et fiscale de la collectivité ?

Plan de relance :

L’objectif d’un plan de relance est de créer un effet d’entrainement général de l’économie. Affecter un

montant conséquent du plan de relance à des travaux qui relèvent de la notion d’entretien, comme les

réseaux d’eau en Guadeloupe, relève, en quelque sorte d’un détournement de l’objectif affiché dans le titre

« plan de relance ». Nous aspirons à un vrai plan de relance clair, quantifié, générateur de relance

économique et donc porteur d’emplois.

Plus globalement nous semble-t-il, il y aurait lieu d’harmoniser, pour atteindre une meilleure efficience, les

paramètres mis en place dans cette crise sanitaire, à savoir :

o Chômage partiel (objet de la présente)

o Fonds de solidarité,

o Aide dite « des coûts fixes »,

o Plan de relance.

Restant à disposition de l’équipe de l’UMIH, recevez Président nos salutations confraternelles.

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