Objet : Etat défaillant des statistiques relatives aux industries touristiques de la Guadeloupe


Lundi 13 décembre 2021


Monsieur le Directeur de l'IEDOM Guadeloupe,


Je souhaite attirer votre attention sur nos interrogations relatives à divers chiffres

concernant les activités économiques des industries touristiques.

Notre groupement, l’Union des Métiers des Industries Touristiques de Guadeloupe (UMIH 971),

préconise depuis 2018 une remise en ordre de la gouvernance, en particulier au niveau territorial,

susceptible de conduire à une ambition territoriale claire, avec des objectifs quantifiables et

mesurables, assis sur un programme d’investissements publics structurants destinés à améliorer

l’attractivité de notre territoire.

Vous trouverez en pièces jointes, nos dernières réflexions déjà transmises au plan national à

l’UMIH Nationale et à la FEDOM, que vous devez bien connaître compte tenu de vos missions

précédentes à Tahiti, Mayotte, et La Réunion.

Nous observons avec une extrême prudence les données statistiques diverses publiées au sujet

des activités liées aux industries touristiques, tant au niveau national qui prétendent à un

classement flatteur de premier rang mondial quant à la fréquentation en nombre de visiteurs,

qu’au niveau régional qui suivant les humeurs des auteurs, font varier le poids des activités

touristiques de 10 % à 35 % dans le PIB régional.

Il est clair que la situation d’arrêt brutal des activités touristiques en mars 2020 a mis en lumière

avec évidence le rôle de « locomotive économique » des industries touristiques et leurs

nombreuses ramifications, dans la pêche, l’agriculture, le BTP (dans les résidences secondaires), le

commerce, et toute une économie informelle soutenue par la collectivité publique régionale…

Serait-il possible d’obtenir de vos services une approche plus rationnelle et synthétique sur les

chiffres caractérisant l’économie globale Guadeloupéenne réelle, entre ses diverses activités

(agriculture, pêche, commerce, BTP, industries touristiques, …) ? En apportant plus de précisions

utiles, sur ce que les statistiques prennent en considération dans la rubrique tourisme ? Et sur ce

qu’on en exclut (C.A. hors zone de l’activité des agences de voyage, du trafic aérien, etc …).

À l’UMIH Guadeloupe, il nous semble indispensable que les jeunes guadeloupéens, sans emploi,

aient une idée très précise du poids des industries touristiques dans l’économie de la Guadeloupe.

La publication des véritables chiffres, et de leur évolution, permettra à ces jeunes de s’engager

avec plus de conviction dans des formations susceptibles de leur offrir des débouchés

économiques sérieux.

Les données quantitatives communiquées par la société STATISTA sur la Guadeloupe sont

intéressantes, mais insuffisantes : https://fr.statista.com/statistiques/640326/nombre-touristesejour-

guadeloupe-annuel/ (données publiées par Statista Research Department, 31 août 2020).

Lors de la récente assemblée générale de la FEDOM à laquelle je participais, un représentant du

GIE de droit privé ATOUT FRANCE recommandait vivement le recours aux règles statistiques

internationales des comptes satellites du tourisme (CST), et précisait, malgré la largeur de la

fourchette, que l’économie des industries touristiques de la Guadeloupe représentait aujourd’hui

entre 25 et 30% de l’activité économique globale de la Guadeloupe. Selon un mode de calcul

conforme aux règles des CST.

Le compte satellite du tourisme (CST) est le cadre statistique d’usage, et le principal instrument

pour la mesure économique des industries touristiques. Il a été développé par l'Organisation

Mondiale du Tourisme (O.M.T.), l'Organisation de Coopération et de Développement Économiques

(O.C.D.E.), la Commission européenne chargée de l'information statistique à l'échelle

communautaire (Eurostat) et la Division Statistique des Nations Unies (U.N.S.D.). La publication

« Compte satellite du tourisme : recommandations concernant le cadre conceptuel 2008 (CST: RCC

2008) » présente le cadre conceptuel commun à jour pour mettre sur pied un CST. Ce cadre

reprend à son compte le système de base formé par les concepts, classifications, définitions,

tableaux et agrégats du Système de comptabilité nationale 2008, qui est la norme internationale

pour présenter une synthèse systématique de l’activité économique nationale sous l’angle

fonctionnel.

Le CST favorise donc l’harmonisation et le rapprochement des statistiques du tourisme d’un point

de vue économique (comptabilité nationale). Il permet d’obtenir des données économiques du

tourisme (comme le PIB direct du tourisme) qui soient comparables avec d’autres statistiques

économiques. ( Source : O.C.D.E. :

https://www.oecd.org/fr/cfe/tourisme/comptesatellitedutourismecadremethodologiquerecomm

ande.htm & https://www.oecd.org/fr/publications/compte-satellite-du-tourismerecommandations-

concernantle-cadre-conceptuel-2008-9789264274174-fr.htm )

Une autre source intéressante sur ce sujet : https://webunwto.s3-eu-west-

1.amazonaws.com/imported_images/51260/rscbp_algerie_2atelier_item1.3_ml.pdf

Laquelle précise les grands agrégats des industries touristiques :

• Valeur ajoutée brute des industries du tourisme (VABIT) : somme de la valeur ajoutée brute totale

de tous les établissements composant les industries du tourisme ;

• Valeur ajoutée brute directe du tourisme (VABDT) : part de la valeur ajoutée brute du tourisme

engendrée par toutes les industries dans le processus de réponse à la consommation intérieure du

tourisme ;

• Produit intérieur brut direct du tourisme (PIBDT) : en plus de la VABDT, il inclut aussi la part des

impôts nets sur les produits inclus dans la consommation intérieure du tourisme.

Une autre approche intéressante serait de connaître le nombre de lits d’hébergement temporaire,

en distinguant les hébergements professionnels inscrits au Registre du Commerce et des Sociétés

(R.C.S.) des hébergements non professionnels, les emplois associés, et le montant de la taxe

affectée, dite de séjour, émise et récoltée.

Compte tenu de la crise sanitaire démarrée officiellement en 2020, une telle étude pourrait être

assise sur les chiffres de l’année 2019.

Le nombre de lits touristiques en Guadeloupe au 1er janvier 2018, selon le Statista Research

Department (organisme privé, non gouvernemental), lors de sa publication du 21 mai 2019, serait

de plus de 12.700 lits, les hôtels offrant une capacité d'environ 6.400 couchages.

Soit, selon le Statista Research Department, une proportion d’environ 50/50 entre les lits des

locations meublées gérées par des exploitants non enregistrés au registre du commerce et de

sociétés (R.C.S.) et les lits gérés par des exploitants professionnel enregistrés au R.C.S.

Or le site de « fourniture de service numérique consistant en la mise à disposition d’un moteur de

réservation en ligne » de la marque Booking.com, annonce, le 13 décembre 2021, pour la

Guadeloupe : 3 706 « hôtels et autres hébergements », dont 2 489 locations de vacances, dont 5

complexes hôteliers, dont 16 appart-hôtels, etc.

(ci-joint le fichier Booking_Guadeloupe_Nombre_d_Etablissements_3706_2021_12_13.jpg).

Naturellement, il ne convient pas d’accorder un crédit trop important aux données publiées par

Booking.com, mais, si les chiffres étaient validés par l’I.N.S.E.E., la proportion de 21 hôtels sur 3 706

« hôtels et autres hébergements » ne pourrait que déclencher une réflexion majeure sur

l’évolution du parc d’hébergements temporaires proposé à la Guadeloupe.

Pour cinq raisons majeures :

- Seul le parc professionnel génère des emplois directs en C.D.I. indispensables pour

répondre aux demandes d’emplois de la société guadeloupéenne ;

- Seul le parc hôtelier professionnel est de nature à répondre à la demande de séjours

d’une ou deux nuits seulement, à plus forte valeur ajoutée ;

- Seul le parc hôtelier professionnel est de nature à répondre à la demande de standarts

internationaux d’hébergement temporaire ; le fait est que la dépendance à la monoclientèle

à 90% de visiteurs en provenance de l’hexagone est en partie liée à la faiblesse

du nombre d’hôtels répondants aux standarts internationaux ; le fait est que la

diversification du marché vers les marchés internationaux serait génératrice d’emplois

en plus grand nombre ;

- La contribution fiscale et sociale du parc hôtelier professionnel est très supérieure à

celle du parc des locations meublées gérées par des exploitants non enregistrés au

R.C.S.

- Le parc hôtelier est un facteur majeur de soutien à l’offre de sièges par les compagnies

aériennes (rotations, nombre de sièges, classes tarifaires).

L’action en faveur de l’emploi, et de l’emploi des jeunes en particulier, passe naturellement par

une meilleure identification du parc des hébergements temporaires, et du nombre d’emplois

directs associés à ceux-ci. La connaissance statistique étant le préalable à la réorientation

nécessaire de la politique en faveur de l’emploi des jeunes. En premier lieu par une simple réforme

de la gouvernance des organes des collectivités territoriales, influant les industries touristiques.

Nous ne doutons pas que l’Institut, dont vous assumez la direction à la suite de M. Gilles Genre-

Grandpierre, pourra contribuer à une plus grande transparence sur le poids réel des industries

touristiques de la Guadeloupe. Et peut-être pourra-t-il aussi nous aider à réduire les entraves liées

à une gouvernance inappropriée, afin de faire éclore le considérable réservoir d’emplois dont

disposent les industries touristiques de la Guadeloupe.

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